Encore trop souvent négligée dans les entreprises, la gestion de la communication de crise est pourtant essentielle lorsque survient un accident. L’avenir même de l’entreprise peut parfois en dépendre. Christophe Lamandé, partenaire d’A2SE Conseil et grand spécialiste du sujet, partage avec nous son expérience.
Bonjour Christophe. Peux-tu nous parler de ton parcours ?
Après un passage aux achats internationaux chez Carrefour, poste pour lequel j’étais basé à Istanbul, j’ai travaillé dans le marketing et la communication. J’ai ensuite été nommé Directeur de la communication pour la France. Après mon expérience chez Carrefour, j’ai pris la direction générale du groupe de communication international FCB, où j’ai été repéré pour ma connaissance des territoires autour de la Turquie.
Par la suite, j’ai effectué de nombreuses missions en freelance, toujours dans la communication mais aussi en tant que directeur de clientèle. J’ai travaillé dans des zones difficiles, notamment au Mali lors de l’intervention de l’armée française, ainsi qu’au Burkina Faso, au Niger, au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Congo, etc. Face à la demande croissante de mes clients, je me suis associé avec une amie basée en Tunisie pour créer une entreprise capable de répondre à leurs besoins en communication.
À ce moment-là, mes missions se sont concentrées en Algérie, au Maroc et en Tunisie, principalement sur la communication de crise. J’ai notamment rédigé des procédures pour gérer des crises liées à des accidents industriels ou à des prises d’otages dans d’autres pays africains.
Peux-tu nous parler de l’évolution des pratiques et des enjeux en matière de communication de crise ?
Il est important de distinguer la gestion de crise, qui existe depuis toujours, de la communication de crise, qui a pris de l’ampleur avec l’émergence des réseaux sociaux. Aujourd’hui, avec ces outils, chacun devient un média à part entière. Il y a encore quelques années, en cas d’accident sur un site industriel, une direction pouvait refouler les journalistes à l’entrée en invoquant le caractère privé des lieux et en refusant de commenter.
Aujourd’hui, même un enfant équipé d’un smartphone peut filmer et diffuser des images en temps réel sur les réseaux sociaux. Ainsi, même un accident bien géré sur le plan technique peut se transformer en crise à cause de quelques secondes de vidéo filmées par un salarié, partagées sur les réseaux sociaux, puis relayées hors contexte par d’autres internautes ou par les journalistes. C’est l’effet « boule de neige ». Si l’entreprise tarde à réagir, les médias utiliseront ces images comme seules sources d’information, avant même que l’entreprise n’ait pris la parole officiellement.
Dans le cadre de nos formations sur la communication de crise, nous apprenons à communiquer avec les médias, les pouvoirs publics, et à gérer la communication interne, notamment avec les syndicats.
Aujourd’hui, un directeur général délègue souvent la gestion technique de la crise à des spécialistes pour se concentrer sur la communication de crise de son entreprise.
Ce qui a également changé, c’est que ce type de crise ne touche plus uniquement les grandes entreprises. Les PME peuvent aussi être affectées, surtout à une époque où la tendance est de rejeter la faute sur les autres, comme les entreprises sous-traitantes par exemple. Il est donc essentiel pour chaque entreprise, quelle que soit sa taille, de disposer au minimum de procédures de communication de crise.
Quand une entreprise doit-elle déclencher une procédure de communication de crise ?
Avec les réseaux sociaux, il est impératif qu’entre le moment où survient l’accident et la prise de parole officielle, il ne s’écoule pas plus de deux heures. Si l’entreprise ne communique pas dans ce délai, les médias le feront à sa place, avec les images diffusées sur les réseaux sociaux, et les conséquences peuvent devenir ingérables.
Ce que j’enseigne lors de mes formations, c’est que dès l’alerte donnée, il ne doit pas s’écouler plus de 30 à 60 minutes avant l’activation de la cellule de crise. Celle-ci doit être en mesure, dans un premier temps, de donner un bilan des victimes et de faire une première déclaration avec des éléments de langage soigneusement choisis. Cela permet de prendre le contrôle de la communication dès le début et d’occuper l’espace médiatique avant que quelqu’un d’autre ne le fasse à votre place. Ensuite, vous pouvez fournir plus de détails dans un second temps, au fur et à mesure que vous obtenez plus d’informations. Il est crucial d’être aussi transparent que possible, car tout finit par se savoir de toute façon. Mieux vaut partir de ce principe. L’objectif n’est pas nécessairement de tout dire, mais de dire suffisamment pour qu’on vous laisse gérer la situation.
Même si vous détestez l’idée que nous vivons désormais dans un monde dominé par les médias, il est essentiel de s’y adapter, car c’est une réalité à laquelle vous, votre entreprise, et vos collaborateurs êtes confrontés.
Quelle est ton approche en matière de formation à la gestion de crise ?
Je commence par établir des diagnostics et rédiger des protocoles, puis je m’attache à la communication de crise, avec une partie pratique à la clé. Tout cela est bien sûr adapté au profil des participants, à leur entreprise et au pays dans lequel ils évoluent.
De nombreuses agences de communication proposent des formations en communication de crise, mais ce qui nous différencie, ce sont nos exercices pratiques sous forme de jeux de rôles. Nous ne nous contentons pas d’analyser comment la cellule de crise fonctionne à un moment donné. Nous ajustons le niveau de difficulté de nos exercices en temps réel pour que chacun apprenne quelque chose, quel que soit son niveau initial. Nous mettons en scène toute la cartographie de la communication de crise, et chaque participant joue différents rôles. C’est du serious game.
Qu’entends-tu par « interculturel » ?
Pour moi, l’interculturel, c’est l’intelligence de s’adapter aux autres.
Peut-on lier interculturel et communication de crise ? Y a-t-il un lien entre ces deux domaines ?
Absolument ! Avec la mondialisation, un accident dans un pays peut avoir des répercussions bien au-delà de ses frontières, comme en témoigne la chute du cours d’une action en bourse, par exemple. Il est donc primordial de prendre en compte l’aspect interculturel dans l’élaboration d’une communication de crise.
Prenons l’exemple du scandale de la viande de cheval dans les lasagnes. Ce scandale n’a pas éclaté en France, mais en Angleterre, où manger du cheval est considéré comme inacceptable, un peu comme si on mangeait un chien en France. Cela explique pourquoi la crise a été bien plus importante en Angleterre qu’en France. L’interculturel joue donc un rôle clé dans la gestion de la communication de crise.
Si vous souhaitez mettre en place une formation sur la communication de crise au sein de votre entreprise, contactez-nous.